mercredi 23 décembre 2015

Le Bouc du Cévennes



J’ai fait une campagne sur le Cévennes, un cargo des Chargeurs Réunis qui avait un membre d’équipage un peu particulier. 
Le radio s’était pris d’affection pour un bouc qui vivait à bord et qui était devenu la mascotte du bateau. Le bouc le suivait à terre dans tous les mauvais lieux. Le radio faisait ses virées en taxi (parce que, en général, les ports sont loin du centre) et le bouc l’accompagnait dans la voiture et jusqu’aux bars où il consommait autant que son maître, pour ne pas dire davantage. Avec le radio il se spécialisait dans le pastis mais il n’était pas sectaire. Dès que quelqu’un partait à terre, le bouc l’accompagnait et, une fois dans un bar, le bouc trouvait toujours un client pour lui payer la tournée.
L’aller était facile car le bouc ne demandait pas mieux que de se dégourdir les pattes à quai. Il suffisait d’ouvrir la porte du taxi et le bouc se précipitait, de peur qu’on ne lui interdise la virée. Une fois, le chauffeur avait eu la mauvaise idée d’ouvrir ses deux portes avant. Le bouc avait sauté tellement vite sur le siège passager que le chauffeur était tombé par terre. 
Pour le retour, c’était une autre affaire : à jeun le bouc n’était jamais disposé à sortir du taxi pour rentrer à bord. Toute l’astuce était de s’assurer que le bouc soit suffisamment saoul.
Il vivait en bon camarade avec tout l’équipage et il surveillait le bord comme un chien de garde. Il faisait sa ronde. Quand arrivait un étranger il fonçait droit dessus.
Hélas, l’histoire a mal fini. Le Cévennes transportait du charbon. En général on fermait les cales et le bouc avait l’habitude de vadrouiller librement dessus. Mais ce jour-là, je ne sais pourquoi, la cale était restée ouverte et le bouc avait dû boire un peu plus que d’habitude. Il est tombé au fond. Jambes brisées.

J’ai essayé de retranscrire l’enregistrement qui date du 21 septembre 2011 mais il m’a fallu combler des vides dans des passages qui ne sont pas audibles.
En recherchant sur internet une photographie du Cévennes, j’ai eu la surprise de découvrir que le bouc est devenu une légende. Il a les honneurs d’un livre (Georges Tanneau, Figures de proue et Gueules de raie, éditions Coop-Breizh) et d’un site d’anecdotes sur la marine (http://www.la-mer-en-livres.fr/cevennes.html). C’est exactement le même thème que celui que le Pingouin – témoin direct – racontait : avec des détails en moins et des détails en plus : comme les grands mythes l'histoire du bouc s'est étoffée ! On y apprend par exemple que le bouc aurait fait une virée à Nantes et qu’il aurait affolé la population sur la place Royale.

Ici finissent les souvenirs et le blog du Pingouin.

dimanche 2 mars 2014

Uniforme

Celui qui écrivait ces lignes est mort il y a deux ans mais il a laissé deux témoignages qui étaient en préparation. Je trouve dommage d'en priver les lecteurs. Attention, cependant : "En préparation" signifie que des inexactitudes y subsistent. Par exemple, il m'avait affirmé que le texte qui suit (qui est le plus abouti) contient des erreurs. Une fois ces précautions prises, il est temps de parler d'uniforme...


J’ai fini mon service militaire le 12 ou 13 mai 1953 (j'avais 24 ans). Notez, au passage, que je devais servir 18 mois mais nous avions réussi à les ramener à 12. Je reçois alors un ordre de partir à Dunkerque pour embarquer sur un bateau nommé Pilote Garnier, dont j'ai trouvé une image sur internet :
  

C'était une chance inespérée pour un jeune lieutenant sans le sou ! J’arrive à Dunkerque avec mon camarade Iffic et là, une sacrée mauvaise surprise nous attend : nous nous apercevons que, si l'armateur nous a fait venir, c’est parce qu’il y avait des grèves sur les lignes d’Indochine. Du fait de la guerre d'Indochine, en effet, les syndicats refusaient l’appareillage et l’arrivée des bateaux qui transportaient des armes. Les officiers qui étaient déjà à bord avaient décidé de participer au mouvement et ils nous accueillirent par ces mots : « Bon, les gars, on se met en grève, hein ? »

Nous ne pouvions pas supporter d'aider une guerre pareille, mais nous étions pris au piège. Iffic et moi, nous sortions du service, nous avions besoin d’argent et, par-dessus le marché, nous avions signé une sorte d’engagement écrit à l’égard de la compagnie des Chargeurs Réunis (qui était l’armateur du Pilote Garnier) : contre notre signature, ils nous avaient accordé 6000 francs par mois pendant que nous étions au cours de lieutenant, ce qui nous permettait de payer notre chambre. Il aurait fallu tout rembourser et nous n'avions pas un sou. Que faire ? Je jette un coup d’œil dans les documents de bord qui énuméraient la cargaison et, à l’examen, il n’y avait pas grand-chose pour l’armée, sauf du fil de fer barbelé. Alors, la mort dans l'âme, nous avons décidé de voter contre la grève, tout comme un officier-machine.

Iffic et moi, nous étions lieutenants à ce moment, l’un comme l’autre nous pouvions occuper la fonction de premier lieutenant, mais il m’a laissé ce rôle : il n’avait pas le cœur à l’être dans ces conditions. On ne partait pas de gaieté de cœur, croyez-moi : nous sentions que nous étions pris en otage.

C’est pratiquement en arrivant sur rade de Port-Saïd que j’ai ouvert ma cantine où se trouvaient mes vêtements. Les Chargeurs Réunis exigeaient que les officiers soient en uniforme : il me fallait m'en procurer un d'urgence. Comme ça ne coûtait pas cher à Port-Saïd et qu’on le savait, Iffic et moi nous nous sommes fait prendre les mesures chez un tailleur libanais, et nous avons récupéré le costume au retour. Le tailleur avait confiance en nous : il connaissait notre nom et il pouvait nous joindre par l’agence de la compagnie à Port-Saïd.

Sur le mien, il n’y avait pas de galons parce que je comptais utiliser l'uniforme comme un simple costume, pour mon mariage. Les galons sont venus après...

jeudi 6 janvier 2011

S.S. FAUZON : la traversée




Donc, après une semaine de chargement, en juillet 1948, nous appareillons avec de la ferraille dans les cales. Mais nous ne traversons pas immédiatement l'Atlantique : nous faisons escale sur rade à l’ile Madère pour nous ravitailler en combustible. Et en route pour l’Amérique du sud !

Traversée monotone rythmée par les coups de cloche marquant les heures et les relèves de quart, ainsi que par l'entretien du navire (piquage et grattage de rouille puis peinture des extérieurs et intérieurs). Nous passons les tropiques et l'équateur avec les baptêmes traditionnels. Pour ma part c'est à ce moment que je me suis mis à l’espagnol avec la « méthode Assimil ». L’abattage des porcs et des bœufs se déroule au fur et à mesure des besoins.

Quelques 25 jours après le départ d’Anvers, nous arrivons à Montevideo pour quelques heures de déchargement et nous rejoignons Buenos-Aires, port qui se situe juste en face dans l’embouchure du Rio de la Plata. Je pense alors à ce cuirassé allemand le "Graff von Spee" qui, pourchassé par deux petits navires anglais l’Ajax et l’Exeter, était venu s’échouer à cet endroit à toucher l’Uruguay, pays neutre.

Nous voici donc courant Novembre 1948 à quai en Argentine. Peron et Evita étaient alors au pouvoir et, une fois passés la Douane très tâtillonne et l’immigration, nous avons commencé à décharger à un rythme très irrégulier.

Il y avait un Foyer du Marin très actif tenu par une Française ayant épousé un Anglais. Miss P… organisait des réunions, des rencontres, des matchs de football entre navires, des échanges de livres de bibliothèque. Tous les marins connaissaient « El hogar del marino francés » et son adresse.

Nous sommes repartis la veille de Noël 1948 sur lest mais avec deux nouveaux porcs et bœuf vivants : en route pour les U.S.A dans le cadre du plan MARCHALL !

Nous arrivons sur rade de New York à l'aube, en janvier 1949. Me voici devant la statue de la Liberté :

Si nous apercevons la statue de la Liberté, nous voyons aussi s'approcher les vedettes de l’immigration et des douanes qui viennent nous contrôler : pas de problème jusqu'à ce que, arrivant sous le gaillard d'avant, ils tombent en arrêt devant un animal... un bœuf ! un boeuf vivant ! Il nous est donc interdit d'aller à quai : il nous faut l'abattre et mettre au rebut les abats, les peaux, etc. qui seraient à remettre pour destruction aux services adéquats.

Bref, il a fallu faire vite, nettoyer et désinfecter. Les ordures ayant été collectées nous avons pu nous mettre à quai le soir même sous le pont de Manhattan. Là, nous avons ouvert les cales et les opérations de chargement composé de matériel divers et d'engins lourds ont débuté.

Pour ceux qui n’étaient pas de garde nous sommes partis à la découverte de ce qui nous apparaissait comme un el dorado, car nous sortions à peine des restrictions et des tickets de rationnement ! L'éclairage était au néon quand certaines ampoules en France étaient encore aux filaments de carbone ! Profusion de tout ! Nous étions éblouis !



Cinq ou six jours de chargement et en route ! D'abord pour Philadelphie et ensuite pour Baltimore afin de compléter le chargement par des fûts d’huile principalement.

De retour en Europe, nous découvrons Dunkerque, Hambourg : tous ces ports en ruine ! Plus tard, au Havre, nous chargeons pour Beyrouth.

lundi 27 décembre 2010

S.S FAUZON : présentation

Vous vous souvenez que le 18 septembre 1948,  j'avais laissé le M.S COYAH qui était en réparation à St-Nazaire ? Il fallait donc que je retrouve un embarquement.

Par chance un camarade du Bahut (le Lycée A. Le Braz), m’a prévenu que son père allait repartir naviguer et allait chercher un bateau à ANVERS. J’ai vu ce commandant en congés et lui ai demandé s’il pouvait me recommander pour embarquer comme matelot dans la Compagnie d’ORBIGNY. Il a accepté et j’ai reçu rapidement un ordre de route pour rallier ANVERS et embarquer sur le FAUZON, le 16 octobre 1948. J'ai conservé une carte postale d'Anvers où le Fauzon apparaît :



Le S.S « steamer ship » FAUZON, construit peu avant guerre dans un chantier anglais, brûlait du charbon et on l’adaptait pour passer au mazout. C’était un « three islands decks » (trois constructions) sur le pont, en plus du « gaillard d’avant ». D'abord le CHÂTEAU avec la passerelle (avec sa chambre de barre et des cartes) et avec les logements des officiers de pont. Puis un bloc pour les logements des officiers machine et des maîtres, la radio, la cuisine. A la poupe du navire une DUNETTE donnait accès aux locaux "EQUIPAGE".

Juste derrière la dunette, sur la plage arrière, deux grandes roues de timonerie au droit de la mèche du gouvernail constituaient une commande du gouvernail pour le cas où le « servomoteur » ou la commande par chaines et chariots en provenance de la passerelle tombaient en panne. Ce sont ces grands roues que je vous montre en photo ci-dessous (c'est moi sur la photo qui est prise un peu plus tard à Dunkerque en 1949) :



A cela s'ajoutaient quatre cales et une « calette » derrière le château.

Le tout faisait peut-être 130 mètres de long. Il me paraissait important. Par contre les postes équipages
à l’arrière était plutôt rudimentaires et nous étions trois par cabine avec "bannettes" (ou couchettes superposées) et chacun un « caisson » (armoire métallique de peut-être 30 cm de large).

A la proue se trouvait le « Gaillard d’avant » avec le guindeau (pour virer les ancres), les aussières (pour amarrer le bateau) et, à l’intérieur, des magasins pour les réserves de peintures et de l’outillage de charpentier. Surtout, plutôt inattendus, s'y trouvaient deux parcs en fer avec deux cochons à bâbord et deux bœufs à tribord avec des mangeoires et des cuves pour l’eau ! En effet, ce bateau n’avait pas de "frigo", seulement deux chambres froides. Il fallait donc tuer les bêtes pour avoir du frais à manger en cours de navigation.

Pas d’eau courante, non plus, dans les locaux équipage et même officiers ! Il fallait aller pomper l’eau au milieu du navire prés de la cuisine dans un seau pour la vaisselle ou la toilette. Pas très commode avec du roulis et du tangage ou sous les « grains » !

Le bateau chargeait un plein de ferrailles (rails, bottes de fer à béton entre autres, et quelques « diverses ») à destination de Montevideo et surtout de Buenos-Aires.

Je vous réserve le voyage pour la suite du blog !

lundi 22 février 2010

Coyah, suite et fin

Bonjour à tous, j'ai encore deux ou trois choses à vous dire concernant le Coyah, le bateau dont je vous ai parlé la semaine dernière. Comme j'ai pris l'habitude de commencer par une photo, je vous en mets une que je n'ai pas prise moi-même mais que j'ai trouvée sur internet. Elle ne date pas de 1948 mais elle représente une vue du port de Conakry, quai des longs-courriers  :


Nous sommes donc à Conakry : les compartiments dans les cales se remplissent vite et le froid est ventilé aussitôt en  passant par des gaines qui créent une sorte de double « coque » au navire. Des thermomètres sont disposés aux  endroits stratégiques pour vérifier la température et intervenir pour conserver en état le chargement.
Navire chargé, portes et cales fermées, en route pour la mer vers Nantes port de déchargement prévu où nous sommes attendus début juin.
Tous les quarts (c'est-à-dire toutes les quatre heures), nous devons descendre dans les gaines pour noter les températures et ventiler en plus ou en moins, car il faut s’en tenir aux 12°, au risque de perdre des compartiments entiers… !
Heureusement, comme les régimes sont refroidis, les mygales ou serpents bananes que l’on craint de rencontrer sont K.O. Les anciens qui en avaient  vu (« juré craché ! ») nous donnent un peu la trouille et nous faisons attention lors des prises de températures.
Mauvaise surprise : comme si une fois toutes les quatre heures ne suffisait pas, il nous faut doubler ces satanées prises de températures. En effet, la machine frigorifique qui marchait à l’ammoniac était vieille et fonctionnait mal!
Enfin ! Quelques 5 jours de mer et nous voici à Nantes. Si je me souviens bien, nous étions le premier bananier depuis la guerre sur la ligne Conakry-Nantes en ce mois de Juin 1948 : c'est même notre Coyah qui a eu l'honneur d'inaugurer le fameux Hangar à Bananes qui est devenu aujourd'hui le coin branché de Nantes. Le déchargement a été effectué aussitôt sans problème.
A ce moment, il a été décidé de faire réparer le navire, moteur et frigo, pour qu'ils soient en état de marche optimum et nous avons rejoint les chantiers de St Nazaire. Très vite on nous a annoncé qu'il faudrait un arrêt technique de longue durée à quai. Le navire a donc été désarmé, ce qui signifiait qu'il n'y aurait plus de navigation en service à la mer pour moi… Il me fallait donc partir en quête d'un autre embarquement pour avoir de la « navigation », comme on disait. Donc retour à St-Brieuc et recherche d’embarquement !

samedi 13 février 2010

Coyah


Il s’agit donc de mon premier embarquement au commerce !

Tout en continuant de naviguer à la pêche, j’avais été mis en relation avec un commandant de la Compagnie de la Navigation Fruitière qui m’avait « pistonné » pour être inscrit sur une liste d’attente pour embarquer sur un navire en réparation dans la baie de Naples en Italie.

A partir du 1er janvier 1948, j’étais aux ordres : en attente à demi-solde.

Les départs pour rejoindre le bateau étaient reportés de semaine en semaine : les Italiens tardaient à mettre le bateau en état de marche pour nous le délivrer.

Finalement, en mai, on a reçu l’ordre de partir pour embarquer sur le Coyah qui était dans un chantier naval à Castelamare di Stabia. J’ai appris par la suite que le M/S COYAH (navire bananier s’appelant « PIERRE CLAUDE » précédemment) avait été réquisitionné pendant la guerre par les Allemands ou Italiens pour en faire un navire de guerre vu sa vitesse importante à l’époque : 16 nœuds ! J'ai appris aussi qu’il avait été coulé en baie de Naples.

Les Italiens devaient remettre le bateau en état et nous le rendre.

St-Brieuc... Paris... où l’équipage complet s’est retrouvé et a pris le train pour Naples.

Long voyage fatigant et, finalement, le bateau tout blanc qui nous attendait.

Les logements étaient neufs en bois clair et les moteurs presque prêts.

Une petite semaine nous permit de prendre contact avec le navire et de visiter les ruines de Pompéi et d’Herculanum ! nous étions en effet au pied de Vésuve.

Premier contact avec les "pizzas" que nous ne connaissions pas !

Une petite semaine, donc, et nous appareillons pour Marseille afin de préparer le bateau pour son premier voyage commercial sur la ligne NANTES-CONAKRY.

Quelques heures après le départ, alors que nous allions passer dans les gorges de Bonifacio entre Sardaigne et Corse, le moteur s’arrête et finalement nous continuons le voyage à mi-vitesse !

Nous voici à Marseille où une bordée de réparateurs envahit la « machine » : il fallait faire vite, pour nous permettre de rejoindre Conakry où les bananes nous attendaient !

Une huitaine de jours à quai et en route pour la mer, fin mai ! Cap sur Conakry avec notre bateau comme neuf, à une vitesse de 16 nœuds.

Durant la traversée, on a fait des essais de la frigo, car les bananes se transportaient à une température de l’ordre de 12 degrés dans des cales compartimentées et bien aérées.

A la passerelle, la veille était gênée par le soleil réfléchissant sur un pont peint avec de la peinture aluminium très en vogue à l’époque, je crois.

Enfin nous voici à Conakry, fin prêts pour charger.

Les équipes de dockers nous attendaient !

Les portelones (portes latérales : ce sont des ouvertures créées sur la coque du navire pour permettre un chargement horizontal à dos d’homme) sont ouvertes, deux passerelles en bois entre le quai et le navire sont fixées.

Les régimes de bananes sont là, le chargement à dos d’homme commence.

Sous le soleil, il faut pointer le nombre de régimes chargés. Un pointage contradictoire entre le navire et les chargeurs est effectué à un rythme rapide : "un, deux, trois... etc." et, à dix, on ajoute : « Marquez pointeur ».

Deux heures durant sur le quai ! Heureusement on portait un casque et le matelot « pointeur » était relayé.

Le comptage en langue indigène, devenait une psalmodie… je l’ai encore en tête.

jeudi 21 janvier 2010

départ pour naviguer


 Bonjour tout le monde ! Les aventures continuent : voici le document que j'aimerais bien vous commenter aujourd'hui :


 


Eh oui ! Le Pingouin a adhéré à la CGT ! (à propos, vous avez vu ? J'ai flouté mon nom. Je ne sais pas trop si c'est vraiment utile, mais avec tout ce qu'on nous dit sur la discrétion sur internet ! Des fois qu'un pédophile essaierait de me séduire !)

Après la guerre, comme il n'y avait plus beaucoup de bateaux en France, un système un peu nationalisé, un peu étatique avait été créé : les inscrits maritimes. Les inscrits maritimes (les marins, quoi...) étaient la moitié du temps à terre avec une solde réduite et il fallait être inscrit maritime pour se faire embarquer ou naviguer. Pas moyen de faire autrement.

Pour devenir officier, il y avait la voie royale. Après le baccalauréat, une année de préparation dans une école préparatoire (puisque j'habite en Bretagne nord comme tout bon pingouin qui se respecte, je citerai Kersa à Paimpol) et puis il fallait passer des examens, comme aujourd'hui. Quand on était reçu, on pouvait entrer en école d'hydrographie pour décrocher le diplôme de lieutenant. Puis, après 5 ans de « service à la mer », il fallait faire une autre année d'études pour passer le diplôme de capitaine qui devenait un brevet de commandement. Je ne suis pas sûr d'être très clair là-dessus : faudra me dire si vous ne suivez pas. J'ai pourtant pas trop bu de gnôle.
         

Ça, c'était la voie royale. Mais pour ça, il fallait de l'argent ! L'autre solution : naviguer en subalterne, et faire une cagnotte pour payer les années de cours ! Pour cela il fallait naviguer, et donc être inscrit maritime ! Et pour obtenir un embarquement, il fallait avoir une carte d'affiliation à un syndicat, de préférence à la CGT. (F.O existait, mais…). Sacré exemple de la puissance de ce syndicat en ce temps-là ! J'avoue que j'ai rapidement cessé de me syndiquer après ça...

L'astuce en un mot, la formule magique, la botte de Nevers pour naviguer au commerce était de passer par la pêche cotiére pour avoir un livret d'inscrit provisoire ! Trois ans de navigation effectifs étaient requis pour se présenter à l'examen de lieutenant ; dès le diplôme de lieutenant obtenu on réembarquait et on retrouvait la voie royale que je vous ai racontée plus haut (y'en a un dans le fond qui ne suit pas !). Après 5 ans de navigation (on disait service à la mer) on retournait au cours et on passait l'examen  de « capitaine » de la marine marchande, lequel devenait un brevet de commandement.

Vous commencez à voir le truc ? Une fois qu'on était inscrit maritime, on pouvait chercher une Compagnie de navigation et l'on embarquait, comme matelot (c'est-à-dire avec salaire) ou comme pilotin (pas de salaire ou très peu). C'est ça que j'ai fait : on était 5 enfants dans ma famille, il fallait que je me débrouille. Donc premier embarquement sur un petit chalutier du port du Légué (c'est le port de Saint-Brieuc, pour celui du fond qui ne suit pas) et, après quelques mois, ce fut l'embarquement au Commerce en 1947... Mon premier navire, c'était le « COYAH ». Zut, je viens de vérifier : je n'en ai pas de photos. Si j'en trouve une avec Google, je vous la montrerai un jour mais c'est pas gagné.

Le Pingouin vous salue bien !